« La Nature est bien faite ». Combien de fois ai-je entendu cette phrase définitive ?
« Bien faite », comme en opposition à « Mal faite ». Il y aurait donc un grand plan, bien fait, qui définirait, pour le bien, le fonctionnement naturel, et par voie de conséquence notre propre fonctionnement.
Mais la nature est-elle si bien faite que cela ? Si la complexité des enchainements, liaisons, interdépendances n’est pas niable, en quoi ceci est-il bien fait ? L’univers n’a pas de contrainte de temps, de durée. Les évènements suivent les évènements. Leur inscription dans le temps est une invention humaine, perdus que nous sommes dans l’immense vide qui nous héberge.
Tout est possible, envisageable et essayé. Sans contrainte de résultat. Ce qui fonctionne se poursuit, jusqu’au prochain changement dont l’arrivée ne sera plus compatible et entrainera la disparition du modèle éprouvé. Ce qui ne fonctionne pas s’éteint, jusqu’à la prochaine tentative qui rencontrera peut-être des conditions plus favorables conduisant à un succès et ainsi de suite.
Et puis, lorsque l’on dit ‘La Nature’, de quoi parle-t-on ? Pour la plupart, il s’agit des petites fleurs, des saisons et des chatons… La Nature, c’est l’univers dans son entièreté.
Les galaxies qui se percutent, les trous noirs qui absorbent tout. Tout cela est certes très joli et fascinant, mais de loin… Lorsqu’un petit caillou vient percuter la terre, ce sont des espèces vivantes entières qui disparaissent, effaçant le brouillon, laissant le tableau vide, disponible à d’autres hasards. Le prochain qui oblitèrera en un instant de nombreuses espèces vivantes, la nôtre peut-être, ou qui pulvérisera la planète peut-il être qualifié de « bien fait » ?
Plus proche encore, les épidémies qui déciment les espèces vivantes dans un cortège de souffrances peuvent-elles être qualifiées de « Bien faites » ?
Alors tout cela est-il « Mal fait » ? Pas plus. Il faut tout d’abord étudier la phrase qui comporte le vocable « fait ». Cela sous-tend que « La Nature » serait le résultat d’une action de création. Ce postulat est à l’origine de nombre religions et de leur cortège de schémas de pensée. Comme il n’y a aucune preuve matérielle, on bascule dans la croyance, la conviction, la foi.
En ce qui me concerne, je m’interroge sur le besoin même d’avoir un sens. L’univers est. Et c’est tout. D’ailleurs, tout cela est-il vraiment, ou tout ceci n’est-il qu’un songe, qu’un vague flot d’énergie perdu dans un ensemble plus vaste dont l’existence même nous échappe totalement. Poser la question de l’origine, induit de facto le fait qu’il y ait une origine.
En réalité, rien n’est rien, et tout est tout. Rien n’est futile ou inutile, mais rien n’est important. Quelle différence y-a-t-il entre une goutte d’eau tombant sur un lac assoupi en créant de jolies ridules concentriques à sa surface et une galaxie en rencontrant une autre ?
Tout est une question d’échelle et de point de vue. Nous sommes extrêmement humano-centrés et ce qui est important pour l’espèce humaine est important, ce qui ne l’est pas, est négligeable.