LA REGLE DU JEU.
Par dix, par cent, par mille, ils attendent.
Les uns derrière les autres derrière les uns,
Dans un calme effrayant, ils sont résignés.
D'aucuns attendent la mort, d'autres la vie,
D'autres encore leur jugement, ou leur joie,
Leur rire, leur pleur, ou le pain de leur faim.
C'est la règle.
Par dix, par cent, par mille, ils marchent.
Se croisant, s'interpellant, s'éloignant,
Se parlant, ne s'écoutant pas et continuant.
D'autres s'arrêtent de marcher dans le train roulant
De l'existence incessant de la folie mouvante.
C'est la règle.
Par dix, par cent, par mille, ils aiment.
Croient aimer ou aiment vraiment ou haïssent.
Jouent le jeu factice de la séduction vénale,
Pour mieux duper l'autre mieux que soi-même.
Ils croient, croissent, croient encore et disparaissent pourtant.
C'est la règle.
Un jour on naît, sans trop savoir pourquoi,
On est le pion sur l'échiquier avec lequel on joue.
On subit la règle du jeu sans l'avoir comprise.
Forts parfois, on croit pouvoir la changer,
On n'en modifie que la forme,
Sans jamais, au grand jamais en modifier le fond.
C'est la règle . . .
LE HAVRE
Le 24 Novembre 1980