Il y a quelques années, j'étais en charge du service à l'industrie d'un grand groupe international.
Nous étions conviés à une séance de réflexion sur l'amélioration du service à nos clients.
Au sein du groupe, une personne était en charge de la réflexion stratégique, il s'agissait d'Indra Nooyi, aujourd'hui Présidente de PepsiCo.
Elle nous a interpellé en nous demandant "
d'après vous quel est le meilleur service après vente possible ?"
Des voix se sont élevées; 'Le plus rapide', 'Le moins cher', et ainsi de suite...
Indra a alors souri et d'une voix calme a répondu; "
Le meilleur service après vente pour un client, c'est pas de service du tout !"
Cette remarque, formidablement empreinte de bon sens du point de vue du client, est restée dans mon esprit, malgré les 30ans qui me séparent aujourd'hui de cette intervention.
Et c'est bien cela qui est intéressant dans le hiatus qui existe entre la marchandisation du service et l'attente ou le besoin des clients.
Toutefois, l'absence totale de service après vente reste une illusion, car il n'existe aucun système ou machine qui fonctionne parfaitement sans jamais rencontrer un dysfonctionnement.
L'arrêt soudain d'un système présente néanmoins des conséquences incroyablement variables. Votre télévision qui s'arrête et c'est peut-être un match de football raté (pour autant que vous en soyez fan), des réacteurs qui s'arrêtent au beau milieu de l'atlantique peuvent s'avérer gênants pour votre survie, une système d'arrêt d'urgence défaillant dans une centrale nucléaire et c'est la catastrophe assurée.
Pour éviter ce genre de situation, il existe une solution qui a fait ses preuves, la maintenance préventive. Mais si dans des domaines comme l'aéronautique ou le nucléaire, la pratique est bien ancrée dans les esprits, il n'en est pas toujours de même dans l'industrie.
J'illustrerai mon propos par un exemple vécu.
Nous assurions la maintenance de lignes de production au sein d'une papeterie. La papeterie est un métier où les investissements sont très lourds, les marges assez fines et les temps d'arrêts extrêmement coûteux.
Les arrêts étaient assez rares, mais suffisamment douloureux financièrement pour que les clients nous demandent de mettre en place des systèmes leur garantissant des interventions rapides et une disponibilité permanente des pièces de rechange. Afin de répondre favorablement à nos clients, nous avions mis en place des système de garantie de disponibilité des personnels, ainsi que des pièces de rechange. Cette offre coutait assez cher, mais, une fois mise place, répondait entièrement aux attentes des clients. Je ne compte plus les messages de félicitations et remerciements des clients louant la qualité de nos prestations.
Fort du message d'Indra Nooyi, je décidais donc d'aller plus loin et de bâtir un programme de maintenance préventive destiné à virtuellement supprimer tout arrêt non programmé. Notre intervention se baserait sur les statistiques d'obsolescence, le MTBF (Mean Time Between Failure) et MTTR (Mean Time To Repair) et d'autre techniques destinées à optimiser nos interventions lors des arrêts programmés.
Après de multiples réunions, je réussissais à convaincre notre client de nous faire confiance et d'opter pour ce nouveau programme. Le coût lié à cette nouvelle prestation était avantageux car nous pouvions programmer nos interventions à l'avance.
Ce programme fonctionna parfaitement pendant deux ans. Aucune casse, aucun arrêt.
Lors du renouvellement du contrat pour la troisième année, le client décida de ne pas renouveler le contrat. Face à sa réaction, je lui demandais la raison pour laquelle il ne souhaitait plus poursuivre.
Ses mots résonnent encore dans mes oreilles; "On a pas eu de casse, ça fait deux ans que je vous paie pour rien !"
Sa perception de nos prestations s'était dégradée, tout simplement car nous n'avions pas pensé à communiquer régulièrement sur nos activités. Pour lui, quand ça cassait, nous étions les meilleurs du monde, parce que ça ne cassait plus, nous étions devenus inutiles !
La suite est sans surprises, il y a eu quelques mois de grâce pendant lesquels tout s'est bien passé, puis les premières casses sont intervenues qui lui ont démontré la qualité de notre travail passé. Par la suite, j'ai bien pris garde de faire savoir ce que nous faisions, au moins autant que de bien faire ce que nous avions à faire.
La perception de la qualité de service est au moins aussi importante que la qualité du service. Et, en dehors des industries où les pratiques sont règlementées ou formatées, le faire savoir est aussi important que le savoir faire.