Ce sujet est pour le moins sensible, surtout en ces jours de multiplication d'actions.
Mais pourquoi ne pas réfléchir un petit peu en dépit des circonstances.
Il est tout d'abord important de bien comprendre que nous sommes en guerre. Une guerre d'un genre nouveau à laquelle notre société n'est pas préparée et est particulièrement sensible. Je ne reviendrai pas sur les éléments qui ont permis au monstre Daech de voir le jour, merci les américains, mais il existe aujourd'hui un groupe d'individus assoiffés de pouvoir, misogyne et un brin affairiste qui a décidé de déclarer la guerre à l'occident et à toutes les valeurs qu'elle se targue de véhiculer.
En face, des démocraties, dont la notre, qui ont eu l'habitude de régler le monde, au gré de leurs intérêts du moment, en s'appuyant sur des régimes durs et corrompus.
Cette situation ne pouvait durer éternellement et le catalyseur Daech a rencontré auprès des populations désœuvrées et asservies un écho favorable sur des bases d'une guérilla mondiale.
J'en viens à mon propos, car si la guerre telle que pratiquée depuis que le monde est monde par les grandes puissances s'appuie sur la force brute et les moyens mis en œuvre ( on se souviendra des carpet-bombing étasuniens en Indochine et du bombardement, par exemple, au Laos où se sont déversées autant de bombes que sur toute l'Europe pendant la deuxième guerre mondiale ), la guerre basée sur le terrorisme est quant à elle très peu coûteuse. Elle se nourrit de fanatisme et d'individus déterminés à mourir pour une cause qu'ils croient juste. Les Kamikazes Japonais ne fonctionnaient pas tellement différemment.
Le principe de la terreur, c'est peu de moyens, beaucoup d'effet. Notre monde de communication tous azimuts se révèle un formidable terrain de jeux pour ce type d'actions. L'effet sur les populations de quelques centaines de victimes bien médiatisées ( Je veux être clair ici, je ne connais personnellement aucune victime directe ou indirecte des attentats récents, mais je ne minimise aucunement les drames individuels advenus à ces occasions ), provoque dans nos sociétés autant de dégâts que les dizaine de milliers de victimes actuelles en Syrie ou en Irak.
Et c'est là que la liberté de la presse devient une question primordiale. En effet, la course effrénée au scoop s'appuyant sur un voyeurisme malsain agit comme un amplificateur effroyable sur les populations. Le malaise s'installe et l'horreur devient collective. Comme toute liberté s'accompagne de devoirs, celle de la presse devrait s'accompagner d'un sens des responsabilités qui, à mon sens, lui fait aujourd'hui cruellement défaut.
Quel besoin de se jeter sur le premier événement venu avec force photos de flaques de sang et de populations en larmes si ce n'est pour assurer des clics, des vues afin d'augmenter les revenus publicitaires induits?
Je vois peu de sujets de fond sur les motivations des individus qui se sacrifient (le terme est maladroit, 'se suicident' aurait peut-être été préférable). Peu de sujet faisant le lien entre des individus malades, pour toutes sortes de raisons, et qui trouvent dans l'idéologie factice islamiste un élément déclencheur à leurs actions (auto)destructrices. La raison en est dramatiquement simple, c'est la même qui produit les embouteillages à proximité des accidents sur l'autoroute, au risque de créer des sur-accidents.
J'ai souffert pendant sept années du musellement de la presse en Chine où des attentats se produisent également, mais je dois dire que ce type d’événements n'étaient que très partiellement couverts et je dois reconnaître que par moment, je m'interroge si l'approche, avec toutes les dérives malheureuses que cela peut comporter, n'est pas finalement souhaitable. Pourtant, dès que l'on parle de responsabiliser, ou pire contrôler, la presse, notre côté rebelle de salon prend le dessus et nous poussons tous des hauts cris au nom de la défense des libertés. Mais s'agit-il vraiment d'une liberté dans ce contexte ?
Pour ma part, mis à part la compassion sincère que je formule pour les victimes de tous bords, j'ai décidé de refuser de tomber dans le panneau, d'ignorer l'avalanche d'informations distillés par des cohortes d'experts qui le sont à peine moins que moi, et de continuer de vivre.